Lors du Clasico, en 2001, Almani Moreira a "menti à Preud’homme pour jouer"
En 2001, d’une frappe magistrale, Almani Moreira effaçait 15 ans de frustration rouche dans le Clasico.
- Publié le 27-01-2018 à 07h30
- Mis à jour le 27-01-2018 à 10h00
En 2001, d’une frappe magistrale, Almani Moreira effaçait 15 ans de frustration rouche dans le Clasico. Une longue attente de quinze ans. Autant d’années de galère, de frustration envolée au moment du coup de patte magistral d’Almani Moreira ce soir du 27 octobre 2001. D’une frappe en pleine lucarne du but de Filip De Wilde, le meneur de jeu portugais offrait un Clasico qui échappait au Liégeois depuis le but de Freddy Luyckx en février 1986.
À quelques heures d’un Standard-Anderlecht qui s’annonce moins excitant que par le passé, l’ancien maître à jouer des Rouches se souvient.
Almani, ce soir du 27 octobre 2001 est-il encore frais dans votre esprit ?
"C’est comme si c’était hier. Je découvrais le Clasico belge pour ma première année au Standard. À ce jour, ce match, cette victoire, reste un de mes plus beaux souvenirs en bord de Meuse."
Vous pouvez décrire ce but qui a rendu tout le peuple rouche fou de joie ?
"Je récupère le ballon au milieu du terrain, je me retourne et je combine avec Didier (Ernst) . Ensuite, je ne me pose pas de question et je frappe."
Vous aviez conscience, à ce moment et après le match, de l’importance de ce but ?
"On m’avait expliqué tout avant le match. Je savais ce qu’il y avait à savoir, j’étais conditionné. Je voulais rentrer dans la légende et faire partie des acteurs qui allaient ramener la victoire au Standard dans le Clasico . Des beaux buts, j’en ai marqué, mais celui-ci est peut-être au-dessus des autres pour ce qu’il représentait."
Ce match entre le Standard et Anderlecht, vous vouliez à tout prix le jouer.
"C’est vrai. Je revenais tout juste de blessure. Je m’étais fracturé l’orteil en Coupe d’Europe à Strasbourg. Je me préparais à revenir pour ce match depuis un mois. C’était l’objectif que je m’étais fixé. Je ne m’étais quasiment pas entraîné, mais je devais être là."
Quitte à ne pas dire la vérité au coach ?
"Oui (rires) . C’est vrai que j’ai menti à Michel Preud’homme. Le matin du match, j’ai frappé quelquefois au but. Il m’a alors demandé si j’allais bien, si je n’avais plus de douleur. J’ai dit que tout était en ordre. C’était faux, j’avais toujours mal. Je n’avais pas d’autre choix, il fallait que je sois sur le terrain, quitte à être absent plusieurs semaines après. On m’a attaché deux orteils ensemble et j’ai débuté le match."
Quelques heures avant le match, Michel Preud’homme vous a adressé un message.
"C’était au moment de la promenade, il est venu vers moi et m’a appelé comme il le faisait toujours : ‘Alors mon garçon, tu vas me le gagner ce match hein ?’ Il avait vu juste et m’a remercié au coup de sifflet final."
Au moment de frapper le ballon, vous ressentez une vive douleur ?
"Oui, mais c’était un sentiment bizarre, presque indescriptible. J’ai évidemment eu très mal, mais à cette douleur est immédiatement venu se mélanger un sentiment de joie, de plénitude immense. Après le match, c’est vrai, je n’en menais pas large."
Ce but marquait le début de votre belle histoire d’amour avec le Standard (cinq saisons, 126 matchs, 21 buts, 11 assists).
"Je crois que, ce soir-là, j’ai gagné le respect de tous. Je me souviens qu’il y avait des doutes sur ma personne, notamment au vu de ma petite taille. Quand je suis arrivé, Milou Delsart (NdlR : de l’intendance de l’époque) était venu m’accueillir à l’aéroport. Il a dit : ‘C’est ce petit bonhomme qui doit résoudre nos problèmes ?’"
Par la suite, vous attendiez les Clasicos avec impatience ?
"Évidemment. Je pouvais accepter, même si c’était difficile, une défaite. Mais jamais dans un Clasico . C’est le match que tu ne peux pas perdre. À Sclessin, cela va au-delà d’une simple rencontre, de trois points en jeu. Il y va du prestige, de l’honneur. Nous, à l’époque, on l’avait parfaitement bien intégré. J’ose espérer que les joueurs actuels le savent également…"
"Diego doit d’abord s’amuser"
Le fils de Moreira joue actuellement en U15 au Standard.
À 39 ans, Almani Moreira découvre aujourd’hui le milieu du football sous un autre angle. "Je travaille avec des agents en tant qu’intermédiaire au Portugal. Je bouge un peu partout et je suis souvent au contact des joueurs. C’est une autre facette du métier qui est intéressante."
Après sa carrière de joueur, Moreira a embrassé celle de dirigeant en 2013. "Je suis devenu directeur sportif de l’Atlético Clube de Portugal (D2 portugaise à l’époque). Cela n’a duré que quelques mois, mais c’était extrêmement enrichissant."
Dans le futur, Moreira pourrait bien également goûter aux joies du coaching. "Mais pas tout de suite. J’ai suivi le cursus quand j’étais en Serbie. Je dois passer l’UEFA Pro en mars et après, on verra bien."
S’il devient un jour entraîneur, Moreira pourrait bien en diriger un autre : son fils Diego (13 ans), actif en U15 au Standard où il est surclassé.
"Il a fait ses débuts à l’Académie et il s’y épanouit toujours, commente l’ancien Rouche qui n’est pas peu fier de son fils. Je ne dis pas ça parce que je suis son père, mais il est très doué. Il joue en tant que numéro 10 ou attaquant. Je l’ai eu récemment et il joue davantage en pointe pour le moment."
À l’heure actuelle, pas question de parler de carrière professionnelle pour Diego Moreira. "Le plus important, aujourd’hui, est qu’il s’amuse. Il adore le foot. Quoi qu’il fasse plus tard, il aura mon soutien. J’en profite ici pour remercier sa maman et son grand-père (Helmut Graf) qui prennent vraiment bien soin de lui."
"Le Standard plus un grand club ? Je n’accepterai jamais ça"
Depuis le Portugais où il exerce la profession d’agent (voir ci-dessous), Almani Moreira garde tout de même à l’œil les résultats et l’actualité de son ancien club. "Dès que je sais, je me renseigne et je dois dire que je suis un peu triste de la situation de mon club. Beaucoup de choses ont changé."
Aujourd’hui, Sclessin n’est plus l’enfer que Moreira a connu durant cinq saisons. "À mon époque, on avait peur de venir jouer chez nous. Il semble que cette crainte se soit évaporée aujourd’hui. C’est dommage."
Pour l’ex-numéro 10, les anciens du vestiaire de Sa Pinto doivent montrer la voie. "Le talent et l’envie sont présents au Standard. Mais cela manque cruellement d’orgueil. Les anciens, ceux qui connaissent le cœur du club, doivent transmettre les valeurs véhiculées par le Standard. Je le dis et je le répète, les adversaires doivent craindre le déplacement à Sclessin. Il faut de nouveau se faire respecter."
Lorsqu’on lui dit que, pour le Standard, son statut de grand club s’étiole de plus en plus, Almani Moreira hausse le ton.
"Le Standard plus un grand club ? Je ne peux pas entendre ça, je ne peux l’accepter et je ne l’accepterai jamais. À l’étranger, quand on parle du Championnat belge, on parle de qui ? Du Standard, d’Anderlecht et de Bruges. Désolé pour les autres. Si j’étais encore standardman aujourd’hui et qu’on me disait que mon club n’est plus un grand de Belgique, cela me ferait mal au cœur."
Si les supporters ont tendance à souvent s’en prendre à la direction et à l’entraîneur, Moreira pointe quant à lui les vrais fautifs.
"Qui est sur le terrain ? OK, il y a des problèmes en interne, cela ne tourne pas dans la direction, mais qui a le moyen d’inverser la tendance ? Les joueurs. C’est à eux de se bouger."
Lors de ses cinq saisons à Sclessin, Moreira a connu des moments délicats. Il se souvient notamment d’une altercation avec les supporters qui avait remis les idées du groupe en place.
"C’était sous Dominique D’Onofrio. On ne parvenait plus à gagner. Après une nouvelle défaite à Sclessin, les supporters ont demandé à nous voir. On a hésité, mais on est allés à leur rencontre. Je peux vous dire qu’on a pris cher ! On est resté face à eux à les écouter nous critiquer, nous insulter. On n’a rien dit, et on est partis. On s’est ensuite juré de ne plus jamais revivre pareille situation. La semaine suivante, on gagnait de nouveau. La différence, seuls les joueurs peuvent la faire. Ils doivent se poser la question : voulons-nous faire partie de la grande histoire du Standard ?"